Comparaison de différentes extrapolations de la distribution des crues du Gardon à Corbès (263 km2)

Crues et inondations par débordement

La Directive Inondation (23/10/2007) a été l’occasion d’un travail important depuis 2010 pour recenser sur l’ensemble du territoire les événements passés d’inondation, cartographier les zones inondables et mettre au point des Plans de Gestion des Risques d’Inondation (PGRI). L'équipe HYBV a produit des recherches sur l'estimation des crues extrêmes, et a contribué au recensement des inondations remarquables en France.

La théorie des valeurs extrêmes offre un cadre théorique rigoureux et largement connu (Fisher et Tippett, 1928 ; Gumbel, 1958 ; Coles, 2001) et suggère un ensemble fini de lois réputées décrire les extrêmes (loi GEV pour le maximum annuel, loi Pareto généralisée pour les valeurs supérieures à un seuil). L'estimation des paramètres des lois et donc des quantiles de crue est délicate en extrapolation, car les chroniques temporelles sont bien souvent trop courtes pour estimer correctement une crue centennale-millénale (probabilité annuelle au dépassement 10-2, 10-3). Afin d'améliorer la robustesse des analyses portant uniquement sur le jeu de données disponibles et trop sensibles à la présence de valeurs singulières, il est nécessaire de conforter l’estimation des crues extrêmes en mobilisant des informations complémentaires. Trois approches sont possibles :

  • Exploiter les données historiques antérieures aux données du réseau hydrométrique « moderne » du XXesiècle. Un travail de collecte-critique des données historiques couplé à une modélisation hydraulique permet de reconstituer les crues les plus importantes survenues sur plusieurs siècles. Il est essentiel d’adapter le cadre probabiliste pour traiter un échantillon mixte constitué de crues maximales annuelles (période récente) et d’une collection de crues (données censurées), tout en prenant en compte les incertitudes sur les débits (en général plus fortes pour les crues plus anciennes). Les sources documentaires sur les inondations permettent généralement de remonter au milieu du XIXe siècle, voire davantage en cas d’analyse historique poussée (pour le Rhône depuis le XIIIe siècle). L’analyse des paléo-crues par repérage et datation des sédiments de crue anciens donne des informations exploitables depuis l’Holocène (10 000 dernières années).
  • Constituer un ensemble régional de crues permettant d’étoffer la taille de l’échantillon. La méthode de l’indice de crues (Dalrymple, 1960) constitue la première approche d’analyse régionale, en supposant qu’à l’intérieur d’une région hydrologiquement homogène, les crues des différents cours d’eau suivent la même distribution régionale, après une étape de normalisation par l’indice de crue. Depuis, des améliorations ont été apportées sur la définition des régions hydrologiques et sur le cadre probabiliste régional, pour prendre notamment en compte la dépendance spatiale existant entre séries de crues. Ce cadre régional peut ensuite être décliné spatialement sur des sites faiblement jaugés ou sans mesure, pour fournir une estimation de quantiles de crues en tout point du territoire.
  • Croiser l’aléa des pluies extrêmes avec un modèle hydrologique pluie-débit pour contraindre l’extrapolation de la distribution des crues. La méthode du Gradex (Guillot et Duband, 1968) a été appliquée à partir des années soixante-dix pour estimer la crue de projet des grands barrages (crue décamillénale) à partir du paramètre d’échelle (gradex) de la distribution des pluies. Dans les années 2000, deux méthodes de simulation ont été introduites (méthode SHYREG, Lavabre et al., 2003 ; méthode SCHADEX, Paquet et al., 2006) qui permettent une meilleure estimation de la distribution des pluies et d’introduire un modèle hydrologique pour convertir les pluies en débit.

Le projet de recherche ExtraFlo (2009-2013 ; https://extraflo.inrae.fr/) a montré l’intérêt de mobiliser des informations complémentaires aux seules séries locales, et donné des recommandations pratiques pour l’estimation des pluies et crues extrêmes, en contexte jaugé ou non jaugé. Ces éléments sont régulièrement exploités pour des expertises sur l’aléa de référence (PPR inondation, dimensionnement d’ouvrages).

La base de données historiques sur les inondations (BDHI; https://bdhi.developpement-durable.gouv.fr/) recense et décrit les phénomènes de submersions dommageables d'origine fluviale, marine, lacustre et autres, survenus sur le territoire français (métropole et départements d'outre-mer) au cours des siècles passés et jusqu'à aujourd'hui. La BDHI présente une sélection d'environ 200 inondations remarquables qui se sont produites sur le territoire. Elle intègre progressivement les anciens évènements, ainsi que les nouveaux qui surviennent.